Directeur de l’Aquarium Tropical de Paris, Dominique Duché

Directeur de l’Aquarium Tropical de Paris, Dominique Duché

Interview du directeur de l’Aquarium Tropical et Commissaire de l’exposition sur les Algues Marines

Nous avons voulu en savoir plus sur les algues marines et leurs utilisations notamment en cosmétique...

Depuis quand utilise-t-on les algues en cosmétique ?

Le secteur dans lequel l’algue est la plus ancienne est l’agriculture. L’Asie l’utilise depuis des siècles en alimentation, mais c’était loin d’être le cas pour l’Europe. En effet, il s’agissait pour nous de l’utiliser en tant qu’engrais puis l’insérer dans le processus industriel sous Colbert pour la fabrication du verre ! Vient ensuite le 18e siècle où la découverte de l’iode dans les algues va amener à une extraction de cette dernière dans le but de créer les premiers compléments alimentaires à l’iode. L’évolution de la technologie a ensuite entraîné une mise en place d’un procédé industriel pour ne plus l’extraire. 

La recherche se poursuivant, au 20e siècle commence l’extraction des sucres alginates des algues en tant qu’actif. Dans les années 70, l’objectif était de trouver des fonctionnalités et objectivations pour répondre à la réglementation. Sur ces résultats, est créé en 1982 le CEVA dans le but de valoriser les algues et lutter contre les algues vertes.

En quoi les algues et les plantes halophytes sont des actifs plus performants que d’autres actifs ?

Leurs performances proviennent majoritairement de leur aspect naturel, moins transformées (actifs directement extraits) et donc plus efficaces. Effets constatés grâce à notre étude.

Tout est une question de nature et de biologie. Les plantes marines ont des activités liées au fonctionnement de leur milieu originel. On y trouve tout ce qui est favorable à la vie et donc biologiquement plus proche.

D’abord, l’eau de mer est ramenée à l’isotonie ce qui entraîne une affinité totale avec le liquide cellulaire (ce dernier joue un rôle de vecteur sur la cellule elle-même).

Puis, les minéraux fournissent l’énergie pour que les cellules fonctionnent bien (c’est un peu comme le carburant de nos cellules). Les algues sont d’ailleurs naturellement plus chargées en minéraux. En effet, elles se sont prémunies d’une fascinante capacité d’adaptation, pour ne pas dire suradaptation à leur environnement où elles sont confrontées à un grand stress quand surviennent les grandes marées. 

Cette capacité provoque une activité plus forte, et par là même, une belle stratégie d’adaptation aux milieux rudes.

Existe-t-il des bonnes et des mauvaises algues ?

La réponse est essentiellement oui. 

D’abord les micro-algues. Elles vivent en colonie et génèrent des toxines (toxique pour l’alimentation). Il faut d’ailleurs compter entre 300 000 et 1 000 000 d’espèces d’algues.

La macro-algue n’a pas de toxicité hormis la concentration en iode et en arsenic (notamment présents dans les laminaires). On trouve l’arsenic sur les granites de la côte armoricaine.

Alors que :

  • les caulerpa taxifolia sont toxiques pour les brouteurs tels que les limaces ou les bigorneaux,
  • certaines algues rejettent des sulfates (sargasses), 
  • les ulves (algues vertes, plus précisément entéromorphes notamment en eau douce) sont arrachées durant les coups de vent pendant les tempêtes du mois d’octobre, et reviennent dans les baies pour stagner et grandir grâce à l’élément nutritif d’azote ; et que ces dernières pourrissent ! 
  • Ou encore la polysaccharide sulfaté déjecte de l’H2S dans l’air. Cette déjection entraînant la mort des animaux environnants… 

Malgré cela, elles présentent des propriétés nutritives intéressantes. En dépit de cette découverte, la récolte n’est plus possible, les machines collectant le sable n’existent plus.

Il existe également des laitues de mer qui peuvent être récoltées et consommées.

Est-ce que la culture d’algues est en voie de développement ? 

Elle peut l’être, mais pas n’importe comment : 

  • La culture intensive d’algues peut être à prévoir dans des zones spécifiques telles qu’au pied des éoliennes offshore, car se sont des zones protégées,
  • La monoculture est à éviter le plus possible. 

Il faudrait par conséquent partir dans un contexte de polyculture plus que monoculture. La première serait plus vertueuse que la seconde.

D’où viennent-elles et en quoi sont-elles nocives ?

Le développement des algues est essentiellement dû à l’azote qu’elles trouvent au moment où elles se déposent dans leur nouvel environnement dû aux tempêtes d’octobre.

Elles sont nocives car elles projettent de l’H2S dans l’air au moment de sa décroissance au risque de provoquer la mort des mammifères environnants.

Est-ce que les algues bretonnes ont des propriétés plus intéressantes que la même algue située à un autre endroit ?

Oui, grâce à la qualité de l’eau. En effet, la température de cette dernière varie très peu (thermoclean) et les algues brunes sont sous thermoclean.

Puis nous connaissons bien son processus de croissance qui se trouve entre février et mars (dû essentiellement à la lumière) et fin août.

Pour les algues vertes, comme nous avons pu le voir plus haut, c’est différent : elles se décrochent pendant les tempêtes d’hiver donc basculent en croissance végétative. 

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